La Paix des Zèbres
All You Need is Love,
et la naissance du monde.
Aube. Afrique du Sud 2000.
All You Need is Love,
et la naissance du monde.
Aube. Afrique du Sud 2000.
Un jour de juin 1996, sur une piste orange du Bénin, la ferrite couleur de toutes les pistes africaines, la ligne orange chaotique sabrant le vert intense de la végétation, passant devant une école ou je vois les enfants sagement alignés dans la cour de récréation, je demande soudain à la voiture ou je me trouvais de s’arrêter.
Je me retrouve devant le professeur principal, dans son petit bureau poussiéreux, au milieu de la brousse, et je ne saurais expliquer ni l’audace ni le toupet qui me permette de m’arrêter ainsi, et parfait inconnu bardé de ses appareils, de demander à pouvoir photographier les classes.
Je préfère ne pas m’imaginer la réaction d’un proviseur français à cette même demande que lui ferait un photographe africain en vadrouille….
Quoi qu’il en soit, il accepte gentiment de me laisser rentrer dans les classes, et les instituteurs m’accueillent gentiment, et fièrement.
A cette période, j’utilisais fréquemment le Polaroid, maintenant disparu, comme image définitive.
Ce qui me permettait de laisser la photo en remerciement. Et aussi de photographier avec un appareil modeste.
Je ne sais lequel d’entre nous était le plus ému. Ces enfants interloqués par cette visite impromptue, ou moi, de ces regards d’icônes.
Cette photo, si émouvante, je l’ai donc laissé dans la classe. Et elle est rentrée dans mon histoire.
L’alchimie, ou les solitudes, ou le jeune nuage bravache et la pirogue.
La boucle du Niger, non loin de Mopti, à bord d’une pirogue se dissolvant tranquillement dans les eaux endormies, une fournaise de volcan, pas un souffle d’air, pestant contre l’idée saugrenue de se retrouver là, sans pouvoir se protéger de cette chaleur écrasante, tuante; et soudain, là, juste à bâbord, le tableau se met en place, tout seul.
L’enfant, élégamment déhanché à la pointe aiguë de sa pirogue, le petit arbre solitaire, le jeune nuage bravache, le reflet cisaillé, toutes ces solitudes qui se rejoignent pour peindre l’alchimie du fleuve.
Voila sans doute pourquoi on se trouvait là.
Mali 1996.
L’alchimie, ou les solitudes, ou le jeune nuage bravache et la pirogue.
La boucle du Niger, non loin de Mopti, à bord d’une pirogue se dissolvant tranquillement dans les eaux endormies, une fournaise de volcan, pas un souffle d’air, pestant contre l’idée saugrenue de se retrouver là, sans pouvoir se protéger de cette chaleur écrasante, tuante; et soudain, là, juste à bâbord, le tableau se met en place, tout seul.
L’enfant, élégamment déhanché à la pointe aiguë de sa pirogue, le petit arbre solitaire, le jeune nuage bravache, le reflet cisaillé, toutes ces solitudes qui se rejoignent pour peindre l’alchimie du fleuve.
Voila sans doute pourquoi on se trouvait là.
Mali 1996.
Voyager c’est bon. Être libre d’aller ou le vent me pousse, c’est envoûtant.
Ce pays met souvent en colère, tant les injustices sociales sont insupportables, jusqu’à pouvoir ressembler à de la cruauté. Heureusement, aller là ou on ne va pas habituellement, par peur, conformisme, obéissance, libère de cette colère.
Un jour sur un de mes carnets, j’ai écris : de la gentillesse au delà de la raison !
C’est si vrai. Et étonnant.
Ce qui est captivant et si surprenant aussi, c’est cette sensation de voyage dans le passé, quasi filmique. Comme si on naviguait dans des clichés cinématographiques.
Surprenant d’avoir la sensation de se retrouver comme transplanté aux États-Unis, particulièrement les états du Sud, Alabama, Arizona, Mississippi, Louisiane… mais il y aurait 50 ans de là, avant les droits civiques.
Mississippi ou j’avais fait peu de temps auparavant un reportage dans le pays du blues, et ou chaque bourgade ou ville traversée annonçait ses taux de criminalité, et donc son classement national, avec une quasi fierté résignée. Je retrouverais beaucoup de similitudes entre les deux pays durant mes séjours.
Alors dans un western, même austral, il faut un cow-boy.
Horloger, armurier, fêtes de Noël, à Cradock, Eastern Cape.
Barrydale, Little Karoo.
Je pointe au hasard des étapes sur la carte. Des petits bourgs aux noms presque encore des prénoms, Barrydale, Ladismith, ou qui parlent d’eau, Matjesrivier, Warmwaterberg…
Les routes passent des cols âpres, parfois vertigineux, et déboulent sur des plaines immenses, bordées de montagnes bleues.
Ces paysages sont violents, puissants. On s’y sent fragile, en même temps relié à la terre.
Je ressens mieux comment toutes ces communautés, toutes venues d’ailleurs puisque les seuls natifs ont été balayés dès les premiers temps de la colonisation, ont pu s’y sentir si vulnérables et pourtant inexorablement attachées. Ici, tout le monde est venu d’ailleurs, et pourtant on éprouve la sensation d’une peinture millénaire.
J’ai retrouvé ces émotions en lisant Mandela, qui raconte avoir traversé seul en voiture, clandestinement, le pays de Soweto au Cap, et d’avoir ressenti l’exaltation de l’appartenance à cette terre, à sa puissance et à sa beauté, en osmose avec elle. Inévitablement, en danger, seul au volant d’une voiture, noir, il savait que dans peu de temps, il risquait fort d’être interdit de cette contemplation . Même passion chez les auteurs Afrikanners, comme Brink, Breytenbach…, qui dans leurs récits donnent à cette terre une essence quasi spirituelle. La racine de leur histoire. Pourtant elle aussi venue d’ailleurs.
Entre les montagnes bleues, les immenses vergers, abricotiers, pêcher, prunier, gagnés sur les plaines arides du bush. De grandes propriétés, imposantes comme des latifundias sud-américaine, sur lesquelles vivent fréquemment les ouvriers agricoles dans des villages de petites maison d’adobe, qui le plus souvent appartiennent encore au propriétaire terrien.
On y nait, on y travaille. On y vit. Difficile de réorganiser sans rien casser, l’héritage d’un tel passé.
Dans ce petit bourg, ces femmes rencontrées qui m’offrent ce regard de défi, comme pour me dire qu’elle savent ce que je suis venu chercher, de très loin, aussi ce regard de résistance. Elles ont sans doute long à raconter. On se dit les choses en silence. Je les appelle les Guerrières, elles me font penser à des Navajos.
Dans la même rue, principale, main street, cette famille qui vit juste en face de l’épicerie.
Les temps sont si déréglés pour eux en ce moment qu’il leur est moins inquiètant de se brancher sur le monde que de traverser la rue. Une autre forme de résistance. Sortir, ou plutôt l’idée de sortir, dans leur propre rue leur parait maintenant bien trop hasardeux. Alors bien sur ils profitent aussi du passage d’un voyageur comme moi, chaleureusement accueilli dans leur bed&breakfast , pour se raconter. Se justifier souvent.
Barrydale, Little Karoo.
Je pointe au hasard des étapes sur la carte. Des petits bourgs aux noms presque encore des prénoms, Barrydale, Ladismith, ou qui parlent d’eau, Matjesrivier, Warmwaterberg…
Les routes passent des cols âpres, parfois vertigineux, et déboulent sur des plaines immenses, bordées de montagnes bleues.
Ces paysages sont violents, puissants. On s’y sent fragile, en même temps relié à la terre.
Je ressens mieux comment toutes ces communautés, toutes venues d’ailleurs puisque les seuls natifs ont été balayés dès les premiers temps de la colonisation, ont pu s’y sentir si vulnérables et pourtant inexorablement attachées. Ici, tout le monde est venu d’ailleurs, et pourtant on éprouve la sensation d’une peinture millénaire.
J’ai retrouvé ces émotions en lisant Mandela, qui raconte avoir traversé seul en voiture, clandestinement, le pays de Soweto au Cap, et d’avoir ressenti l’exaltation de l’appartenance à cette terre, à sa puissance et à sa beauté, en osmose avec elle. Inévitablement, en danger, seul au volant d’une voiture, noir, il savait que dans peu de temps, il risquait fort d’être interdit de cette contemplation . Même passion chez les auteurs Afrikanners, comme Brink, Breytenbach…, qui dans leurs récits donnent à cette terre une essence quasi spirituelle. La racine de leur histoire. Pourtant elle aussi venue d’ailleurs.
Entre les montagnes bleues, les immenses vergers, abricotiers, pêcher, prunier, gagnés sur les plaines arides du bush. De grandes propriétés, imposantes comme des latifundias sud-américaine, sur lesquelles vivent fréquemment les ouvriers agricoles dans des villages de petites maison d’adobe, qui le plus souvent appartiennent encore au propriétaire terrien.
On y nait, on y travaille. On y vit. Difficile de réorganiser sans rien casser, l’héritage d’un tel passé.
Dans ce petit bourg, ces femmes rencontrées qui m’offrent ce regard de défi, comme pour me dire qu’elle savent ce que je suis venu chercher, de très loin, aussi ce regard de résistance. Elles ont sans doute long à raconter. On se dit les choses en silence. Je les appelle les Guerrières, elles me font penser à des Navajos.
Dans la même rue, principale, main street, cette famille qui vit juste en face de l’épicerie.
Les temps sont si déréglés pour eux en ce moment qu’il leur est moins inquiètant de se brancher sur le monde que de traverser la rue. Une autre forme de résistance. Sortir, ou plutôt l’idée de sortir, dans leur propre rue leur parait maintenant bien trop hasardeux. Alors bien sur ils profitent aussi du passage d’un voyageur comme moi, chaleureusement accueilli dans leur bed&breakfast , pour se raconter. Se justifier souvent.
L’an 2000
Début 1999, Jean-Louis Dumas, patron d’Hermès, me fait venir dans son bureau du dernier étage de la rue du Faubourg St Honoré. Comme d’habitude il est en retard, très en retard, le rendez-vous précédent n’en finit pas, alors j’attend dans son antichambre, comme à chaque fois. Passionné par chaque sujet, entier, chaque rencontre est l’occasion pour lui de refaire le monde, jamais le temps n’est compté.
C’était ça, Jean-Louis Dumas, la passion, la générosité, et la curiosité pour tous, enraciné dans cet attachement natif à la perfection, un vrai patron des Lumières.
Chaque année, un thème nouveau irrigue les créations à venir de la maison, cette fois-ci, pour l’an 2000 qui s’approche, c’est l’Aube, le commencement, dont il veut me parler.
Le voila qui surgit, bondit comme un diablotin de son bureau, me prend dans ses bras chaleureusement en forme d’excuse et m’emmène, m’emporte sans me lâcher le coude, en vrai comploteur
Ce que je ne savais pas, c’est que ce rendez-vous m’amènerait jusqu’à New-York, 5 ème avenue.
Mais ça, vous le saurez la prochaine fois, au prochain post …