A la demande de Paul Andreu, l’architecte du projet, je réalise en 2006 une maquette de vitrail pour les salons du Théâtre National de Chine, la grande salle dite de l’Opéra de Pékin.
Un mur de verre d’une dizaine de mètres de long sur une hauteur de 2,5 mètres. Verre, gravé, et enchâssant en transparence les images que j’ai récoltées sur le chantier au cours des années passées, un vitrail moderne, en forme d’ode au travail des ouvriers bâtisseurs.
Mais, triplement hélas le Grand Krik nous croque as usual, pour des raisons de coûts, ainsi que de circonstances politique, ce projet de vitrail ne verra finalement pas le jour.
3 versions pour mieux envahir l’écran.
Southside Station, Southside Chic, Southside Blues, spider in my web, baby, I’m waiting, sitting alone with my guitare, I’m gonna change this life, babe, je suis venu de si loin, j’entends encore les battements des boogies, les riffs plânant par dessus toutes ces maisons abandonnées, oh babe, comment cela peut-il être possible si près de la grande ville, Muddy se promenait par-là, âme en peine, électrique, I’m going home. To Chicago. Oh babe, pourquoi tout le monde est-il parti ?
I’m back.
Chicago. 2009
Des musées, du Gothic au South Side de en passant par Barack.
Je me rappelle de ma première visite South Side en 1994, à la recherche de la maison de Muddy Waters, South Side, le quartier craint, la litanie des assassinats qu’on aime tant réciter à l’étranger pour mieux s’effrayer avec lui, les maisons abandonnées comme dans les villes fantômes du Far West, Far South Side, si loin de downtown, la maison de Muddy écroulée, la vie comme de la peur. Il n’y avait plus de Blues que les façades murées.
Je me rappelle, toujours en 94, de la fierté d’appartenir à une communauté respectée, sensation si rarement croisée dans le Sud, des familles noires visitant le Lorraine Motel à Memphis où Martin Luther King à été assassiné, motel depuis transformé en musée des Droits Civiques.
Je me rappelle de ce silence de cathédrale, des beaux habits de chacun, de la dévotion et l’émotion régnant dans chaque salle du musée, jusque dans le jardin, où chacun se photographiait devant la façade.
J’ai retrouvé cette sensation de fierté partagée dans le South Side de 2009, après l’élection d’Obama.
Il y avait résolument plus de joie et de légèreté dans les rues, et même si beaucoup de maisons étaient toujours murées, vidées, les chaussées défoncées, on ne ressentait plus la peur poisse. On ressentait l’espoir, même une certaine légèreté.
Je me rappelle de ce commerçant Palestinien m’offrant gaiement le badge d’Obama 44e, dans son bazar ou les icônes des héros de la lutte des Droits Civiques, côtoyaient les chaînes hifi, les lampes de salon, les objets ménagers, les fleurs en plastiques.
Je me rappelle qu’il prédisait qu’il allait enfin sans doute pouvoir bientôt rentrer chez lui, au moins pour des vacances….
Aujourd’hui, quand je vois Barack descendre, souverain, les marches de son Air Force One, totalement sous contrôle, apparence impeccable, gestes impériaux, le ciel bleu et l’avion parfaitement coordonnés, une sorte de prompteur de paysage, ce moment du badge offert me revient à chaque fois.
J’ai toujours le badge. Mais dans un tiroir.
Walk on the bridge. Dancing day et night cabs. Boogie-woogie, tambours métalliques de rames, caisses claires d’aluminium, congas de ferrite, pistons de rivets, maracas de rouille, tremblements de croix de ferraille, écho des montagnes d’acier. Ride my guitar over the bridge.
Boom, boom, boom…
Walk, walk, walk…
Talk talk talk…
And talk that talk
And walk that walk
Walk the walk, baby
And talk that talk
Hmm, hmm, hmm, hoo, hoo, hoo
Hook, Hook, Hook, John, John, John Lee c’est toi qui m’a ouvert les bras du Blues, Hooker sous ton chapeau, les semelles de tes chaussures vernies battent le boogie des roues d’acier.
Depuis, dans les bars de Chic, la bière continuent de couler, mais plutôt sagement dorénavant, bizarrement les guitares de s’accrocher aux murs, mais les riffs de tes neveux, enfants, frères, soeurs, amis, partisans … de continuer à pulser.
Boogie-woogie, man.
Always, always, always.
Boom, boom, boom.
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( Ici, derrière sa 335, The Kinsey Report, au Buddy Guy’s Legends . 2009.)
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On raconte que le Diable a offert à Robert Johnson de savoir faire pleurer le blues de sa guitare comme personne, en échange de sa vie, au carrefour de la 49 et la 61 à la sortie de Clarcksdale. Crossroads. J’y étais. Je vous raconterai.
Puis il écrit « Home Sweet Home Chicago », et depuis les 49, les 61, ainsi que toutes les autres mènent à Chicago.
Un film noir, plein de blues, de jazz, d’histoires de cinéma, de rêves d’architectes, de Lespaul demi-caisse 335, de Strato, d’enfants du Mississippi, de reprises de cuivres, de déhanchements de trombones, de plaintes de pédales wah-wah, de fièvre Princière, de Reines et de soul. De Muddy, de BB, et de nombreux King.
Dorénavant on peut y voir beaucoup de guitares signées sur les murs des bars, sans savoir si elles n’ont jamais été touchées par ces rois, mais les métros continuent de taper leurs booggie-woogie , la ferraille de rouiller magnifiquement au milieu des châteaux forts modernes.
Home Sweet Home Chicago.
Roll over Muddy, roll over Orbert dans la ville minérale, jazz granitique, la légende des skyscrapers, plus haut que les cathédrales, cradle of electric power.
La mère des villes d’acier et de blues.
Chicago. 2009. Blues. Jazz. Orbert Davis.
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Des vies fugaces, puissantes, rencontrées, imprimées, imprégnées, des empreintes indélébiles, vives, rapides, tendres, légères et dessinées comme des étoffes, debout, aimantes, pressées.
Aperçue, attrapée, coloriée, conservée.
La vie.
India. 2011. 2012.